Après avoir reçu en 2007 le Prix Sacem de la meilleure artiste féminine de jazz vocal, Sarah Lenka s'est imposée sur la scène hexagonale avec les disques "Am I Blue", "Hush" ,"I don't Dress Fine" et "Women's Legacy".
Avec "Isha" qui signifie femme en hébreu, enregistré sous la direction artistique de Raphaël Chassain, elle évoque, entre folk et sonorités orientales, l'exil des femmes, le déracinement, la transmission... Un album bouleversant dont elle a signé tous les textes (sauf le traditionnel arabo-andalou "Lamma Bada") et co-composé les mélodies avec le guitariste Laurent Guillet. Au fil de chansons qui portent les prénoms de"Betty", Mouma", Zahra", "Rose"... elle raconte en anglais, en arabe et un peu en hébreu, les femmes de sa famille , remontant ainsi le cours de sa propre histoire.
Rencontre avant sa release party parisienne le 5 décembre prochain sur la scène du Café de la Danse.
-Vous avez intégré les Beaux Arts. Ce n'est pas forcément le plus court chemin pour se lancer dans la chanson ?
Je suis entrée aux Beaux Arts sans vraiment me projeter dans cette voie. En fait, je ne savais pas trop quoi faire de ma vie. Alors je suis allée rejoindre ma soeur en Angleterre. Là-bas, j'ai suivi les cours de la London Music School.
-Il paraît que c'est en écoutant Ella Fitzgerald et Billie Holiday que vous avez eu un véritable déclic ?
J'étais dans la chambre de ma co-locataire et j'ai été bouleversée quand j'ai entendu ces chanteuses. Elle m'ont ouvert la porte sur le jazz. Je ne m'en suis écartée qu'à partir de 2019.
-Avec "Women's Legacy" ?
J'ai adoré ce projet avec la chanteuse franco-sénégalaise Awa Ly, la pianiste franco-arménienne Macha Gharibian et la flûtiste franco-syrienne Naïssam Jalal. Ce sont des femmes ancrées dans leurs cultures, qui assument leur double nationalité. Nous sommes devenues amies. C'était un peu mes premiers pas pour intégrer mes propres origines. J'ai eu le sentiment que quelque chose s'était reprogrammé en moi.
-Pourquoi cette prise de conscience tardive ?
J'ai eu l'idée de cet album pendant le covid. J'avais envie d'écrire sur le déracinement et l'exil. J'ai commencé à composer dans ma tête, de manière instinctive et pas du tout académique. J'en ai parlé à Laurent (Guillet), un guitariste que j'aime bien. Il m'a aidée et encouragée à poursuivre dans cette voie. Au bout de quelques bribes de chansons, je me suis rendue compte que je parlais de mon histoire !
-Une histoire que vous avez dû reconstituer, non ?
J'ai été éduquée à l'européenne et je ne parlais pas l'arabe. Il y avait aussi ce silence dans la famille. C'était compliqué de chercher et trouver des informations sur mes ancêtres. J'avais entendu par exemple que Zahra avait abandonné ses enfants. En fait, elle s'était séparée de son mari, ce qui était un acte très fort à l'époque. Et c'est lui qui l'empêchait de les revoir. Le silence et les interdits sont portés par les générations qui suivent. Avec l'album "Isha" je suis partie à la découverte de mes racines.
-Vous êtes déjà allée en Algérie ?
Jamais ! J'aimerais faire le voyage par le biais de la musique.
-Album "Isha" (Caramba Records/Virgin Music France).
-En tournée: le 29 novembre 2024 à Marseille, le 5 décembre au Café de la Danse à Paris, le 7 février 2025 à Faches Thumesnil (59), le 24 mai à Lons Le Saunier (39), lle 6 juin au Festival "Jazz en Pic Saint Loup", le 26 juin à Saint-Claude.....
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